Strong women : une histoire musclée

Pourquoi la force physique chez les femmes dérange-t-elle encore aujourd’hui ? Alors que la société valorise la puissance chez les hommes, les femmes fortes continuent de faire face à des stéréotypes et à des tabous. Cette réalité a pris une tournure particulièrement révoltante lors des derniers Jeux Olympiques avec le cas de la boxeuse Imane Khelif. Sa victoire remise en question en raison de taux de testostérone jugés trop élevés, ce scandale a exposé une fois de plus l’obsession de vouloir contrôler le corps féminin et de définir arbitrairement ce qui est « assez féminin » pour concourir. Cette volonté constante de scruter, évaluer et remettre en question la légitimité des femmes puissantes est problématique. Pourquoi un corps féminin puissant devrait-il être assimilé à un corps masculin ? Pourquoi la force chez une femme doit-elle toujours être justifiée, limitée, ou même punie ? Ce texte explore le parcours des « strong women » à travers l’histoire et montre comment elles ont transformé la notion de puissance féminine, malgré la stigmatisation.

 

Dans le tarot de Marseille et le Rider Waite, la carte de la Force est représentée par une femme maintenant ouverte la gueule d’un lion. Cette image illustre une force calme, résiliente et maîtrisée.

Le Dernier Tabou : Esthétique et Stigmatisation

Le véritable tabou réside dans l’esthétique du corps féminin. Un corps féminin standardisé, considéré comme attirant pour le regard masculin dominant, ne doit pas être trop musclé sous peine d’être perçu comme « trop masculin ». Cette stigmatisation conduit à des troubles psychologiques comme la dysmorphophobie chez des femmes naturellement athlétiques. Elle freine aussi des vocations : de nombreuses adolescentes à la carrière sportive prometteuse abandonnent en voyant leur corps changer. Beaucoup de femmes limitent leurs capacités physiques de peur de développer « trop de muscles ».

La culture populaire a largement contribué à cette vision biaisée. Le muscle reste associé à la virilité cis-hétéronormée. Les références de personnages féminins musclés sont rares. On pense à Xena la Guerrière (Lucy Lawless) ou Brienne de Torth (Gwendoline Christie) dans Game of Thrones. Brienne est d’ailleurs qualifiée de « bête » dans la série à cause de son apparence. En général, même les héroïnes d’action doivent rester conformes aux normes de beauté standardisées. Si elles possèdent une force physique, elle est souvent de nature surnaturelle (comme Wonder Woman).

Notre société stigmatise toujours les corps féminins musclés, les jugeant comme « anormaux », « trop masculins », voire « monstrueux ». Ce rejet trouve ses origines dans le XIXe siècle, où les premières « strong women » étaient présentées comme des curiosités dans les freak shows.

Un Peu d’Histoire : Les Pionnières

L’une des premières « strong women » à connaître le succès en Europe est Miriam Kate Williams, alias Vulcana. Aux côtés de son partenaire Atlas, elle parcourt le monde et acquiert une renommée mondiale. Aux États-Unis, on parle de Josephine Blatt, alias Minerva, une strong woman et lutteuse qui, dès les années 1890, soulève des poids impressionnants et devient la première véritable catcheuse.

En 1901, la trapéziste Laverie Valee, alias Charmion, est filmée par Thomas Edison dans Trapeze Disrobing Act. Sa musculature et ses exploits au trapèze sont applaudis, même si elle doit inclure un strip-tease pour satisfaire le public masculin.


L’Ère Moderne : Abbye « Pudgy » Stockton et le Culturisme Féminin

Dans les années 1930, Abbye « Pudgy » Stockton, surnommée « The Queen of Muscle Beach », combine l’esthétique pin-up avec des prouesses physiques. Elle devient célèbre pour ses performances spectaculaires.

Le culturisme féminin s’officialise avec le Mouvement de Libération des Femmes des années 1970. En 1977, la première compétition de culturisme féminin est remportée par Gina LaSpina, suivie en 1980 par Rachel McLish, première Miss Olympia.

Tjiki : Une Figure Contemporaine du Body Fitness

Sur la scène française contemporaine, Tjiki (Khoudiedji Sidibé) incarne cette fusion entre force et féminité. Médaillée d’argent du World Champion Pro 2018, elle affirme : « J’assume cette masculinité qui s’harmonise parfaitement avec ma féminité. »

Pour Tjiki, le culturisme est une forme de dépassement de soi et une manière de revendiquer son corps et sa force. Originaire du Sénégal, elle doit souvent composer avec des codes esthétiques blancs, mais cela ne l’empêche pas de s’imposer : « Une femme noire doit travailler trois fois plus que les autres. Mais je suis ma propre référence. »



Reprendre le Pouvoir par la Force

Aujourd’hui, chaque femme qui choisit de cultiver sa force physique contribue à briser un peu plus les chaînes des normes oppressives. Être une « strong woman », c’est affirmer que la puissance féminine est légitime, belle et nécessaire. C’est une démarche d’émancipation, de résilience, et de fierté.

Et Vous ?

• Comment percevez-vous la force physique féminine ?

• Quelles femmes fortes vous inspirent ?

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